Voici quelques indications supplémentaires donc, comme promis, sur Friedrich Froebel que j'évoquais hier.
J'ai lu à son sujet un livre tout à fait passionnant, de Norman Brosterman, intitulé "Inventing Kindergarten" et publié il y a quelques années chez Abrams (Brosterman est architecte, je crois, passionné de jeux de construction, qu'il collectionne, et il a organisé au CCA - Centre for Canadian Architecture - de Montréal une exposition sur ce sujet joliment intitulée "Architecture potentielle". Dans le catalogue de cette exposition figure entre autres un jeu ancien que je trouve génial, une sorte de Meccano équipé d'un outillage simple permettant à l'enfant de construire ses propres modules - un jeu de construction, en somme, à construire soi-même).
La thèse de Brosterman dans "Inventing Kindergarten" (je la résume rapidement et sans la précision qu'il faudrait), c'est que tout le modernisme est issu de l'héritage froebelien, ses principaux acteurs appartenant à des générations susceptibles d'avoir reçu son enseignement. S'appuyant sur certains témoignages, tel celui de Frank Lloyd Wright qui dit l'importance qu'a eue sur sa formation le jeu avec les volumes simples du Jardin d'enfant, Brosterman juxtapose des travaux d'écoliers (assemblages de gommettes, tissages de papiers, papiers perforés etc.) et des oeuvres beaucoup plus tardives d'artistes tels Mondrian, Kandinsky, Albers, Klee - dont les premiers, datant pour certains des années 1850, sont souvent et spectaculairement proches.
Je ne sais pas ce qu'il en est de Cézanne mais son fameux conseil "Traitez la nature en terme de sphères, de cylindres et de cônes" pourrait bien être d'un amateur de jeux de construction.
Et dans la série souvenirs marquants de lecture, entamée hier, j'aimerais citer l'inoubliable "Petzi construit un bateau" qui a eu sur mon goût de construire une influence fondatrice (j'avais la plus vive admiration pour le débitage des cocotiers en rondelles qui devenaient des roues). Et je trouvais cela aussi beau que les petites maquettes égyptiennes qui à cette époque étaient mes oeuvres préférées du Louvre.
Aujourd'hui, j'ai commencé à me poser sérieusement les questions techniques liées à mon projet de "Toile de Jouy" qui doit être prêt pour une exposition le mois prochain. Cette exposition est à l'initiative de Pierre di Sciullo qui a invité à exposer à ses côtés, à la Ferme du Buisson à Noisiel, Maria Arnold, David Poullard, des étudiants des Arts-déco de Strasbourg et moi-même. Pierre a choisi pour titre de l'exposition "Ecrire à voix haute". J'ai beaucoup réfléchi à ce titre. Comment y répondre? Un hasard de promenade me mena ces jours-là sur les quais longeant la Seine à la hauteur du Louvre - or se trouvent là de beaux arbres, dont j'ignore l'essence, dont le tronc est blanc comme celui des bouleaux (ce n'en sont pas), et qui sont couverts d'inscriptions amoureuses, dates, coeurs, aveux, noms, dans toutes les langues.
Qu'écrire plus volontiers à voix haute qu'une déclaration d'amour, qu'elle soit partage ou souhait?
Je tenais mon idée.
Je me suis dit qu'en photographiant l'arbre sur tout son pourtour (j'aurais pu faire un frottage, aussi, avec du fusain ou de l'encre sur un papier fin, mais techniquement c'était moins simple, et moins confortable en hiver!) et en mettant bout à bout les prises de vue j'obtiendrais une image en boucle que je pourrais utiliser comme module de base pour un papier peint.
Je décidai de l'appeler simplement Toile de Jouy, pour la joliesse tout à fait opportune du nom d'une part, et d'autre part pour ma fascination de toujours pour ces somptueuses toiles imprimées.
Aujourd'hui, donc, je me suis mis à tester la technique que j'utiliserai pour peindre les grandes taches roses sur les modules (j'ai choisi comme support une épaisse toile de coton, d'un beau blanc chaud, émaillé de petits points sombres qui ressemblent à de la vanille dans de la crème). Mais catastrophe: mes premiers essais fripent terriblement la toile
- je sens que je vais devoir faire mille essais pour arriver à mes fins. Aussi interromps-je ici la livraison de ce jour, en promettant de vous donner des nouvelles du fripage demain, et non sans vous proposer l'édifice du jour: