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Des questions ?

Bienvenue sur ce blog, réalisé à l'occasion de l'exposition Jeu de construction, à la Galerie des enfants du Centre Pompidou, du 16 février au 9 mai 2005.

Grâce à ce blog, j'espère vous permettre de mieux comprendre mon travail, et surtout avoir la possibilité de dialoguer avec vous, et recueillir vos impressions.

Paul Cox

 

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24 mars 2005 4 24 /03 /mars /2005 00:00
J'ai vécu hier une belle suite de hasards objectifs. Après avoir passé la journée en compagnie d'Alain Goulesque qui vit une relation compliquée avec ses clefs (il en transporte tant dans ses poches, et l'école d'art, qu'il dirige, compte tant de portes, qu'il est tout excusé - je pensais à ce personnage dans un film de Hitchcock - est-ce dans "Pas de printemps pour Marnie"? - à ce banquier qui ne retrouve jamais les clefs, ou la combinaison?, de son coffre) Alain se demandait, et me demandait, si je n'avais pas parlé, récemment, de clefs dans le blog. Sur le moment je ne me suis souvenu que d'une évocation de Klee, puis j'ai pensé à Duchamp (sans doute à cause de la clef des champs),



avant de me rappeler qu'en effet il y a quelques jours j'avais utilisé comme titre cet intéressant aphorisme: "Qui perd ses clefs gagne un peu de place dans ses poches".

Puis j'en suis arrivé à Gaston de Pawlowski et à son "Voyage au pays de la quatrième dimension" car Duchamp, dit-on, y a puisé beaucoup de références. A la recherche d'informations sur Pawlowski nous avons ouvert le "Dictionnaire des lieux imaginaires" d'Alberto Manguel et Gianni Guadalupi et je suis tombé sur cette belle image



qui m'a troublé car elle apportait une jolie réponse aux tumulus japonais en forme de trous de serrure que je montrais il y a quelques jours:




De plus la "Forteresse du désespoir" me touche car l'autre jour à Tarbes, lorsqu'à la faveur d'un tour de table il s'est agi de me présenter (exercice redoutable), me sont venus spontanément ces mots, qui me plaisent encore quelques jours plus tard, de "dilettante désespéré".

Un autre dictionnaire consulté évoque, dans l'article consacré à Gaston de Pawlowski, le sujet de la traduction automatique - il s'agit de l'"Encyclopédie de l'utopie et de la science-fiction" de Pierre Versins (la traduction, autre forme de clef!) - et je ne puis qu'être troublé par tant de hasards puisque je me suis longuement (un peu trop), il y a peu, étendu sur cette question. On y apprend que dans "La faillite de la science" de Pawlowski un traducteur mécanique est inventé par un certain Edison. "Quand on lui demanda de traduire: "Hurrah for the glorious translator Edison. Whiskey, gin and soda, and the girls Lorison" il commença: "Bravo pour le glorieux trad..." puis brusquement il s'arrêta et prononça nettement ces mots: "Et puis, à la fin, vous commencez à m'embêter, je sais bien que je ne suis qu'un instrument, mais vous finirez par me faire tourner en bourrique avec vos inventions contre nature".
Et puisqu'il est question d'utopie, qui est l'anagramme de toupie, comme je l'ai déjà indiqué je crois (je n'ai pas le temps de vérifier, mais après tout, la répétition n'est-elle pas la base de la pédagogie, qui n'était pas loin aujourd'hui avec ce projet de "classe-chantier"?) - peut-être ai-je déjà montré cette image, d'un papier peint réalisé à l'aide d'une toupie géante dont j'avais trempé l'axe dans de la peinture rose, la revoici en tout cas:



à propos de toupies donc je trouve dans l'ancienne édition du "Voyage au pays de la quatrième dimension" que possède Alain ce joli cul-de-lampe




(goûtons au passage la beauté du titre de ce chapitre!) qui ressemble à la fois à la séduisante spirale que tracent mes toupies,




au moulinet du caporal Trim dans Tristram Shandy et au diagramme de Kandinsky, déjà montrés également, mais je ne m'en lasse pas, espérant vivement que vous partagez cet enthousiasme:




La boucle est bouclée, pourrait-on être tenté de dire, or justement non, elle s'échappe au contraire en une dynamique et stimulante spirale - je songe à l'instant que c'est sans doute pour cela que j'aime dessiner des hélices, machines à spirales!; et je me souviens aussi qu'il existe un très joli film de Ray et Charles Eames, grands collectionneurs de toupies, intitulé "Tops", où l'on voit un ballet de toupies évoluer comme une fragile métaphore des astres et du cosmos.

La spirale que j'aime, on la retrouve souvent chez Tintin



pour signifier l'élan, l'entrain (voir plus bas) et la bonne humeur.

Duchamp, à ce propos, professait vivre dans une "euphorie permanente" (j'y pense souvent quand menace le penchant de s'abandonner aux passions tristes), et Montaigne, comme on sait, disait "je ne fais rien sans gaieté" - je songe aussi, dans un tout autre registre, à Agnes Martin, et au lumineux livre qui réunit ses "Ecrits", et à son insistance sur l'"awareness" (la conscience, l'attention - cf la constante insistance de Jacottot sur l'"attention" dans le livre de Rancière) et à sa spinozienne évocation de la joie.
Robert Filliou, à qui l'on demandait quels artistes il aimait, répondait que quand il était de bonne humeur il aimait tout (et rien quand il était mal luné). J'aime pour ma part énormément de choses, j'en citerai quelques-unes demain.
A propos de toupîes, encore, j'ai écouté mon goût pour ce jouet fascinant en donnant à l'une des tables de l'exposition la forme, précisément, d'une toupie:



toupie aux contours irréguliers certes, mais j'avais expérimenté, quand je fabriquais des toupies il y a de nombreuses années, que n'importe quelle forme peut fonctionner pourvu que les masses soient équilibrées autour de l'axe.




Je note ces idées, qui s'enchaînent avec tant d'entrain... dans le train. Ne parle-t-on pas, en anglais, d'un "train of thoughts"?

Tout en écrivant je prends machinalement quelques photos par la fenêtre, sans regarder ce que je fais. Les flous obtenus




me rappellent étonnamment des paysages que je peignais il y a bien longtemps




et dont les flous étaient obtenus par une méthode bien particulière: je "peignais" avec des pigments secs à l'horizontale, que je fixais ensuite au moyen d'une colle étalée au préalable sur un plastique que j'apposais sur le support en l'écrasant au moyen d'une raclette de sérigraphe. Une fois la colle sèche, je retirais le plastique qui conférait à l'ensemble un aspect glacé, presque photographique, et je découvrais les brouillages hasardeux des contours, parfois heureux, parfois désastreux, dus à l'étalement de la colle.

Ces photos me rappellent aussi un joli petit film, dont j'ai oublié le titre, de Robert Breer, délicat dessin animé bricolé montrant des choses vues par la fenêtre d'un train traversant le Japon - où je serai dans quelques jours (je reparlerai bientôt de Robert Breer et de quelques autres films expérimentaux, de Len Lye notamment, que j'aime beaucoup).
Le train dans lequel je me trouve me mêne, lui, vers mon atelier des champs (dont j'ai bien la clef dans ma poche) et vers mes ânes, auxquels je pensais à cause de Robert Breer. "Ane" en japonais se dit "loba", ce qui est curieux étant donné que leurs oreilles n'ont pas de lobes. Mais il est vrai qu'elles sont aussi longues que le sont les lobes du Bouddha (signe de sainteté).



A propos d'âne, ce détail du stupéfiant paravent d'Ito Jakuchu, "Phénix et éléphant blanc",




peinture d'une grande étrangeté et modernité (elle date de la moitié du XVIIIème siècle), dont les singulières trames m'ont tenu apaisante compagnie lorsque j'alignais patiemment les "pixels" de mon livre "Cependant..."

Je ne tire bien sûr aucune conclusion de ce qui va suivre, mais le Bouddha est né le 8 avril et moi aussi. Je me trouverai ce jour-là à Nara où a lieu l'Otaimatsu, anniversaire du Bouddha avec cérémonie et procession des bonzes.
Mais je divague (à l'âne), je m'égare (le train vient d'ailleurs d'entrer en gare), il est temps que je m'arrête.
A propos de gare, je vous livre cet inquiétant paradoxe:



Et je conclus, sans pouvoir vous montrer, une nouvelle fois, l'édifice du jour puisque je ne suis pas à Paris et n'ai donc pas pu aller photographier l'exposition, mais je vous propose ces deux évocations architecturales trouvées chez Gaston de Pawlowski dont il aura donc beaucoup été question aujourd'hui:




A demain.






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24 mars 2005 4 24 /03 /mars /2005 00:00
Je suis confus de ces deux jours de silence dus à un souci technique, et je m'empresse de rattraper ce retard en publiant ici la livraison préparée avant-hier, et en vous promettant quelque chose de plus consistant pour ce soir. Or donc:
Voici un bref photoreportage du tirage de l'affiche pour Prague (je me rends compte que de plus en plus fréquemment mes notes nocturnes font référence à des informations antérieures, et risquent donc d'être incompréhensibles à qui les prend en chemin; or j'hésite à introduire chacune de mes divagations par un "résumé des chapitres précédents"; je préfère donc vous inviter, le cas échéant, à aller voir plus haut).






Malheureusement je n'étais pas sur place pendant le tirage, retenu à la campagne par la tâche que je vais décrire dans un instant. Franck Bordas a pris ces photos pendant l'impression et me les a envoyées au fur et à mesure. En virtuose qu'il est il a réussi à faire le tirage entier en opérant un lent dégradé du plus clair vers le plus sombre et du chaud vers le froid, ce qui non seulement a permis que pas un exemplaire ne ressemble au suivant (il en a fait 200 exemplaires), mais a de plus évité l'opération toujours fastidieuse du lavage des rouleaux entre deux couleurs différentes.

Pour ma part, pendant ce temps, j'étais dans mon atelier des champs à peaufiner mon idée pour la "classe-chantier" - j'en suis actuellement au stade où j'ai trop d'idées et où il me faut choisir, et comme souvent je m'aide pour cela en regardant mes livres - mon bureau ressemble alors en général à cela, jonché de piles instables:



J'ai regardé notamment, dans le désordre, des choses de Munari, de Thomas Hirschorn, de Franz West, de Raoul de Sausmarez (qui était le professeur et le compagnon de Bridget Riley et a écrit un excellent "Basic Design"), de Vito Acconci, de Krijn de Koning, de Kawamata, des soeurs Hohenbüchler, de Chen Zhen, de Hugues Reip, de Shigeru Ban, de Yona Friedman, de Marti Guixë... toutes oeuvres qui me stimulent grandement et en compagnie desquelles j'ai passé un moment enrichissant. Puissent-elles m'aider à trouver le bon sujet. "Je suis un peu comme une machine, j'ai besoin d'être remonté" fait dire Cendrars à Moravagine. Et j'ai aussi regardé un beau livre sur les affiches de Rauschenberg acheté l'autre jour grâce à des émoluments inattendus.

Comme je ne suis pas à Paris, je n'ai pu aller photographier l'exposition; pas de bâtiment du jour, donc, mais cette belle planche d'architecture naturelle, qui de plus forme un bel alphabet, même s'il est incomplet.




A demain.


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21 mars 2005 1 21 /03 /mars /2005 00:00
Ce matin, pris livraison de mes Toiles de Jouy fraîchement imprimées - les voici qui finissent de sécher:



Reste maintenant à les tendre sur les châssis qui attendent dans l'atelier




puis à peindre en dernier mes grandes taches roses - ce sera pour jeudi.

Voici, pour comparaison, une authentique toile de Jouy:



Mais avant cela, il faut que je travaille encore à mon projet pour la "classe-chantier" que j'évoquais hier - il s'agit d'une très belle idée, initiée par Alain Goulesque à Blois: pendant une semaine entière, une classe travaille à la réalisation d'un projet avec un artiste. Des chantiers ont été ainsi menés avec Olivier Blanckart, Jean-Paul Thibeau et Alain Biet. J'ai l'idée d'accompagner les enfants dans la construction d'une sorte d'architecture intérieure modifiant radicalement l'aspect de leur classe, une sorte de Merzbau à partir d'un vocabulaire limité que je leur proposerai.
A la recherche d'idées, ma méthode consiste souvent à imaginer déjà le titre que je pourrais donner au projet en gestation - j'ai ainsi songé à "Chantier en cours", avec l'idée que le chantier pourrait continuer de proliférer après mon départ, ou encore, en pensant au mot "classe": "Penser/classer", en référence au livre de Pérec ("Comment je pense quand je pense , comment je pense quand je ne pense pas? En cet instant même, comment je pense quand je pense à comment je pense quand je pense?") - je pense aussi à la préface de Foucault dans "Les mots et les choses" qui cite Borges évoquant "une "certaine encyclopédie chinoise" où il est écrit que "les animaux se divisent en a) appartenant à l'empereur, b) embaumés, c) apprivoisés, d) cochons de lait, e) sirènes, f) fabuleux, g) chiens en liberté, h) inclus dans la présente classification, i) qui s'agitent comme des fous, j) innombrables, k) dessinés avec un pinceau très fin en poils de chameau, l) et caetera, m) qui viennent de casser la cruche, n) qui de loin semblent des mouches"."



En tout cas, pas mal de classements déjà pour ma réflexion sur ce projet - et toujours ma bonne vieille méthode: idées notées pêle-mêle sur le papier, puis découpées en languettes, rangées par ordre de préférence (1=bonnes, 2=moyennes, 3=pas terribles - pas beaucoup d'espoir pour ces dernières!) et regroupements: beaucoup d'idées s'additionnent pour en enrichir une, plus générale - ce dont témoignent les flèches vertes, ajoutées après coup, sur ma feuille (la réflexion comme jeu de construction).



N'étant pas à Paris, je n'ai pu aller prendre mes photos quotidiennes de l'exposition. Pas d'architecture du jour, donc, mais ceci, observé ce matin en allant à l'imprimerie:




(je recommande au propriétaire de cette maison la plus grande prudence lorsqu'il descend à la cave!)

A demain.


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20 mars 2005 7 20 /03 /mars /2005 00:00
Sur la route, en voiture, c'est presque une obsession: j'essaie toujours d'imaginer que l'asphalte n'existe pas, et que l'on roule sur ce qu'il y avait avant - herbe ou terre.



Cet exercice d'imagination amusant me fait penser à mon vieil ami Nicolas qui, pour sa part, lorsqu'adolescents nous voyagions en train, s'imaginait toujours tenir une immense lame qui rasait proprement tous les éléments du paysage à égale hauteur:







Arrivé à la campagne je trouve ces étranges architectures expressionnistes:




Ce sont des tranches de pins aux fibres malmenées par le sciage et la chute du tronc.
Cela me fait penser à une spectaculaire expérience, découverte l'été dernier à Bâle, menée par les architectes Herzog et De Meuron avec une entreprise de caramel: une immense plaque de sucre liquide solidifiée en suspension, donc hérissée de stalactites, et présentée à l'envers, donc comme une base plantée de stalagmites.



Aujourd'hui, dans l'exposition, une vraie réflexion urbanistique, étendue sur plusieurs tables par le moyen de ponts et de réseaux complexes - le fait est assez rare, et la proposition assez belle, pour justifier plusieurs vues du même ouvrage.







A demain.





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20 mars 2005 7 20 /03 /mars /2005 00:00
Je n'ai pas beaucoup de temps aujourd'hui: tout juste rentré d'avoir fait ma performance de "Dessins animés des meilleures intentions", je dois partir sans tarder chercher près de Chalon mes Toiles de Jouy fraîchement imprimées, puis peaufiner mon idée pour la "classe-chantier" - un atelier mené pendant une semaine entière avec des enfants de CP - ce sera dans quelques semaines, je vous en parlerai plus longuement, cela promet d'être une jolie aventure.
Alors je vous propose, en attendant demain, ces trois choses qui me tombent sous la main:
1- Cette jolie double-page, où il est question de petites architectures et de coloriage, et aussi de moulins, trois sujets qui me sont chers



et voici la couverture de ce cahier, où l'on remarquera la contrainte suggérée de la trichromie, autre sujet qui m'est cher:




2- Une séquence de mes "Dessins animés des meilleures intentions", où il est question de construction, ou en tout cas d'empilement et d'équilibre:




3- Enfin cette jolie phrase de Munari: "J'ai toujours été curieux de voir ce qu'on pouvait faire avec une chose en plus de ce à quoi elle servait d'habitude".

Voilà pour aujourd'hui. En route! Mais avant cela: l'architecture du jour:




A demain.


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19 mars 2005 6 19 /03 /mars /2005 00:00
L'improvisation de ce matin ne s'est pas trop mal passée (du moins je le crois - il faudrait demander aux étudiants).


 




(cette image est extraite de l'"Histoire de M. Crépin", de Töpffer).
Je suis toujours étonné, et rassuré, de constater combien une intervention de ce genre (tout comme une conversation ou un coup de téléphone) se développe selon son propre élan, une fois les premiers mots prononcés, empruntant presque toujours des voies autres que celles qu'on avait prévues. Chercher à ne pas s'écarter des voies tracées rend toujours l'exercice impossible - autrement dit: ne gardons jamais le nez plongé dans nos notes (ce qui de toute façon ce matin m'était doublement impossible, étant donné que je n'avais pas de notes, et qu'il faisait noir, pour permettre la projection de mes images).
J'avais pourtant, pour bien préparer mon affaire, commandé le livre souligné de rouge sur la liste que voici



mais heureusement il n'est pas arrivé à temps pour que j'en tire bénéfice.

J'ai en revanche beaucoup appris des claires paroles de Matali Crasset et de Jeanne Quéheillard qui participaient aussi à cette table ronde.
Et j'ai immédiatement noté dans mon carnet la jolie phrase d'Alexandre Delay: "Qui perd ses clefs gagne un peu de place dans sa poche" (et j' ai vivement apprécié cette autre, digne de Jacotot, et bien plaisante dans la bouche du directeur pédagogique - est-ce le terme exact? - qu'est Alexandre: "Obtenir son permis de conduire ne prouve pas que l'on sait conduire, mais que l'on est capable d'obtenir son permis de conduire").



Il a beaucoup été question de technique ces deux jours-ci dans les discussions - connaître une technique favorise-t-il l'invention d'un projet? La réponse est oui évidemment, à mon sens, et j'aimerais citer cette phrase de Bruno Munari: "Mon point de départ c'est toujours la technique, pas l'art. Souvent les gens partent d'une idée, et souhaitent la réaliser à tout prix. Ma méthode n'est pas celle-là. Si vous partez de la technique, vous savez où vous pouvez aller".




Savoir où l'on peut aller n'interdit pas de flâner en chemin, bien au contraire, puisque l'on possède cette sécurité. Ainsi le voyageur, ou notre explorateur, connaissant sa possible destination, peut se permettre, rassuré sur ce point, de divaguer à loisir. (A propos de loisir, Robert Filliou: " Que font les artistes? Ils organisent leurs loisirs de façon créative... L'art est une forme de loisir organisé. Le fait que cela puisse aussi représenter un dur labeur... n'invalide pas, selon moi, cette proposition. La même chose s'applique au ski, au football ou encore à l'amour".




Et à propos d'explorateur - je promettais hier d'expliquer pourquoi j'avais tant d'affection à son égard:
c'est qu'il me rappelle non seulement la nécessité d'expérimenter sans cesse, d'aller où je ne suis pas encore allé et où je ne me savais pas capable d'aller, mais aussi celle d'explorer un sujet à fond - Matisse parlait, je crois, de "fatiguer le sujet" - j'aime pour cela la fatigue qui, comme l'ivresse ou l'état amoureux, met au jour une éventuelle misère qui impose d'aller à l'essentiel, sans attendre.



Encore une chose, pour conclure sur notre explorateur: ceci, cité dans "Un trou dans la vie", de Jean-Pierre Criqui, déjà cité: le conseil du dieu Tezcatlipoca à Robert Smithson (déjà cité lui aussi, et grand amateur de spirales!): "Tu dois voyager au hasard, comme les premiers Mayas. Tu risques de te perdre dans les fourrés, mais c'est la seule façon de faire de l'art".




Enfin, voici l'ouvrage d'art du jour:




A demain.


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17 mars 2005 4 17 /03 /mars /2005 00:00
Je n'étais pas à la maison hier soir, mais dans un train de nuit, d'où mon silence dont je m'excuse.
Je ne suis pas à la maison ce soir, mais à Tarbes, d'où la brièveté de cette livraison, dont je m'excuse aussi.
J'avais préparé pour pallier le manque de temps et le peu de texte quelques images, et, pour commencer, ce joli personnage trouvé il y a quelques années aux Puces (qui toujours explore, parfois implore, et rarement déplore),



dont je m'étais inspiré pour les images suivantes (dans l'ordre: une page de mon "Histoire de l'art", un groupe de trois personnages peints plus grands que nature, un jouet articulé, et un détail d'un grand tableau intitulé "Vous êtes ici").






Pourquoi tant d'affection pour ce petit explorateur? Par manque de temps, donc (plus que par plaisir cruel de vous imposer la tension d'un suspense) je vous en donnerai la raison demain (en tout cas, aucune relation entre la présence de cet explorateur et mon voyage à Tarbes, des plus confortables).

Encore une précision sur le monogramme FB d'avant-hier:



J'indiquais alors une des raisons de ce choix. En voici une autre: l'envie d'évoquer que "tout homme est un gâteau feuilleté", selon l'expression déjà citée de Dubuffet, et que chacun se construit au fil des épreuves (aucune relation entre le double-sens de ce mot et mon séjour à Tarbes, des plus agréables).

Demain je présente mon travail aux étudiants de l'école d'art - il va me falloir improviser car je n'ai pas eu le temps de préparer mon intervention comme je l'aurais voulu. Me vient une nouvelle fois à l'esprit ma lecture récente du "Maître ignorant" de Rancière, avec lequel je craindrais de vous lasser s'il n'était aussi stimulant, et notamment ce passage sur, précisément, l'improvisation, qui était l'un des exercices essentiels de l'"enseignement universel" de Jacotot. Jacotot ayant proposé comme sujets "la mort de l'athée" puis "le vol d'une mouche", l'une de ses élèves, "pendant huit minutes et demie, avait dit sur ce sujet aérien des choses charmantes et fait des rapprochements tout pleins de grâce et de fraîcheur d'imagination". Voilà qui me donne du coeur à l'ouvrage pour demain matin, sauf qu'il me faudra, je crois, tenir un peu plus de huit minutes et demie.
Pas d'architecture du jour, ce soir, puisque je n'étais pas sur place pour aller prendre mes quotidiennes photos. Mais comme consolation, je vous livre cet exemple de mon travail récent.



Non, c'était une plaisanterie. Cette gracieuse liliacée, due à une Georgia O'Keeffe locale, est l'ornement de ma chambre d'hôtel.

A demain.


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16 mars 2005 3 16 /03 /mars /2005 00:00
Au réveil mon sentiment d'hier soir était inchangé: c'est bien l'affiche avec le monogramme que je préfère et je renonce donc aux nains. Mon idée est de la réaliser en plusieurs versions de couleurs différentes.



Une partie du tirage servira donc, une fois pliée, de jaquette au catalogue de l'exposition annoncée par l'affiche. Cela ressemblera un peu à ceci.




Mon idée - ou l'une des idées - derrière le choix de ce monogramme (deux feuilles identiques, l'une figurant un B, l'autre un F), c'est d'évoquer l'utilisation de l'impression non comme simple moyen de reproduction à l'identique, mais comme véritable outil de production, éventuellement de pièces uniques.

Je montrais l'autre jour l'ensemble "Tristram" réalisé avec Franck Bordas. Dans le même genre d'idées, nous avions aussi réalisé les "Oeuvres Romanesques complètes": au départ deux grandes feuilles imprimées, comme celle-ci



portant des images d'un côté et de courts paragraphes de l'autre, reliées
, après massicotage, dans des classeurs, les feuillets de chaque volume (il y en avait 110) étant assemblés dans des ordres différents et aléatoires. Chaque livre, unique à sa façon donc, bien que constitué des mêmes feuillets que tous les autres, portait un titre qui lui était propre.
Voici par exemple trois variantes de la première double-page



et quelques autres doubles-pages:




Et voici quelques-uns des titres:

 
-La lecture, ce besoin
-Le bûcheron obstiné
-Les raisons de brouter
-L’oubli des chagrins
-Les deux frères et l’étourderie
-A propos de nos doigts
-Ames et lèvres
-L’observateur et les ailes d’or
-Antoinette et les coûteuses provisions
-L’autre et sa joie. Les prédateurs des annélides
-La solitude mode d’emploi I et II
-Entretien des routes et éclairage des rues
-La lune, les planètes, les étoiles, les comètes
-Histoire des trois oublis
-Le récit du vieillard, ou le trépied
-Chronique d'un coeur satisfait
-Jésus de Nazareth
-Les draps de nos lits

C'était une opération vraiment rentable, car j'avais ainsi d'un seul coup considérablement étoffé ma bibliographie, impressionnante pour celui qui ne sait pas (rien ne permet de le deviner) qu'il s'agit de livres uniques et identiques à la fois.
Et voici un exemple de la manière dont ces volumes étaient exposés:



A propos de titres, j'ai testé une fois un procédé à la Raymond Roussel: j'ai commencé ce livre par l'invention de son titre, ou plutôt par la conception complète de sa couverture:




Ce procédé apparemment très contraignant était en fait une solution de facilité: la couverture une fois définie, ne restait plus qu'à remplir les pages, sans plus avoir à m'angoisser sur le choix du sujet (je me souviens que j'avais choisi le titre - donc le sujet - en cinq minutes, m'en remettant entièrement à mon goût pour le dessert du même nom).

J'ai découvert plus tard que Baudelaire tenait une liste de "Plans et projets de romans et de nouvelles", envisageant par exemple d'écrire "Le portrait fatal, L'almanach, La cigüe islandaise, Une infâme adorée, L'ami du rouge, Pile ou face, La maîtresse de l'idiot, Les heureux de ce monde, Spéculation sur la poste, Le fou raisonnable et la belle aventurière" etc. Et il paraît que Stevenson avait élaboré le récit de l'"Ile au trésor" après en avoir dessiné la carte pour son neveu, je crois; et enfin le fameux "Twenty-six gasoline stations" d'Edward Ruscha s'est d'abord imposé, dans l'esprit de son auteur, sous la forme de cet assemblage de mots, dont la sonorité lui plaisait, avant d'être un livre de photographies.
Voilà pour aujourd'hui, et voici non pas l'architecture, mais la créature du jour:



A demain.


 
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15 mars 2005 2 15 /03 /mars /2005 00:00
Parfois un travail tout juste terminé m'inspire une sorte de léger malaise - comme une gêne physique à le regarder, mais qui ne me pousse pas pour autant à le rejeter tout de suite. C'est parfois le signe que je suis trop fatigué, ou que la nouveauté du travail achevé impose que l'on prenne du temps pour s'y habituer.
L'affiche pour Prague, sur laquelle j'ai travaillé hier, a produit sur moi cet effet. Je l'ai imprimée en taille réelle sur plusieurs feuillets A4 laborieusement collés ensemble puis punaisés dans l'atelier.



Cela m'a trotté dans la tête au moment de m'endormir.

En rêvant m'est venue une autre idée, que j'ai été très impatient de réaliser au réveil.
Puisqu'en lithographie (je rappelle qu'il s'agit d'une affiche pour un atelier de lithographe) on imprime souvent en trichromie (moi, du moins), et que les combinaisons des trois couleurs primaires sont au nombre de sept (cyan, magenta, jaune, cyan + magenta, cyan + jaune, magenta + jaune, cyan + magenta + jaune): pourquoi, me suis-je dit, ne pas utiliser une image en rapport avec ce chiffre - les sept nains par exemple?
Lorsqu'en petit-déjeunant mon regard a croisé celui de ce vieux nain de jardin relégué au fil des ans derrière les pots de chutney et autres condiments, je n'ai plus hésité une seconde, tant je trouvais le sien implorant.



(ce qu'il y a de curieux, c'est que l'image précédente, le monogramme FB que je montrais hier, m'était elle aussi venue en rêve).

J'ai, par acquit de conscience, passé quelque temps à consulter mes dictionnaires de synonymes et de symboles qui me quittent rarement et qui sont d'utiles assistants pour trouver des idées. J'ai regardé à "sept" pour trouver une éventuelle autre piste - mais rien ne me semblait valoir le petit être à la brouette.
Voici donc ma nouvelle volée d'essais:



Mais une fois collés et accrochés comme hier dans l'atelier, j'ai un doute: la version précédente n'est-elle pas mieux? Pas de précipitation, je verrai demain matin.

Je pense que la plus grande difficulté, c'est de savoir prendre le temps de regarder le travail achevé, de ne jamais le juger trop précipitamment, surtout s'il paraît, au premier regard, un peu étrange. C'est parfois le signe qu'il est intéressant.
J'ai lu récemment le livre de Anton Ehrenzweig "L'Ordre caché de l'art" (où il est beaucoup question aussi de règles du jeu, de modulor etc., j'y reviendrai) qui dit entre autres, décrivant le moment de l'oeuvre fraîchement terminée, que "l'artiste lui-même se trouve alors dans la position du spectateur avec, devant les yeux, le chaos de l'art nouvellement créé. Il est souvent sujet au même doute, à d'éventuels contresens et à une impulsion aveugle de destruction" (il ajoute, un peu plus loin, "c'est pourquoi l'enseignement artistique doit se faire un devoir de venir en aide à l'étudiant au moment où il doute de lui-même et résiste à comprendre sa propre oeuvre").


......................................


Une heure plus tard.
La première version est mieux, j'en suis quasiment sûr maintenant. Cette histoire de nains de jardin me semble avoir été une classique tentative supplémentaire vers le compliqué; je ferai le choix définitif demain au réveil. Mais si alors mon goût de ce soir se confirme, ce sera un nouvel exemple de ces détours nombreux que je fais presque toujours vers des solutions de plus en plus chargées pour revenir, finalement, à l'idée simple de départ - voici en effet le tout premier croquis noté au moment où j'ai commencé à réfléchir à cette affiche:







Avant de m'arrêter, je vous montre encore cette arbitraire antiquité:




qui n'a d'autre vertu que de servir d'introduction à ce qui suit, dernière évocation, c'est promis, de notre héros favori:








Et voici la délicate architecture du jour.




A demain.




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13 mars 2005 7 13 /03 /mars /2005 00:00
Passé la journée à avancer sur les affiches pour l'exposition de Franck Bordas à Prague. J'ai fait toutes sortes d'essais, changé un peu les lettres (j'expliquerai demain pourquoi j'ai choisi cette image) - voici un choix de ces esquisses (j'en fais souvent une très grande quantité, travail facilité par l'utilisation de l'ordinateur, parmi lesquelles je choisis ensuite, en général, par élimination - je me souviens sans aucun regret de l'époque, pas très éloignée, où je faisais la même chose avec des petits bouts de calque et des crayons de couleurs, et d'assez grosses dépenses chez le photocopieur du coin!):



En général cela se passe toujours ainsi: je teste plein d'idées qui petit à petit me paraissent superflues, trop compliquées, et j'arrive à un résultat simplifié, souvent identique à l'idée de départ.

J'ai décidé ce soir d'utiliser un texte manuscrit, dont le contraste avec l'épais lettrage régulier de l'"image" me semble mettre l'un et l'autre en valeur. Cet usage d'un texte manuscrit, je l'avais déjà testé par exemple dans des affiches pour l'opéra de Nancy; en voici quelques-unes



Je ne serai pas bien long aujourd'hui car il faut encore que je prépare une intervention à l'Ecole d'Art et de céramique de Tarbes, à l'invitation de Guillaume Poulain: une table ronde, en préparation d'un atelier avec les étudiants à l'automne prochain. La céramique est un de mes vieux rêves, spécialement sous sa forme murale: sans doute à cause de mon goût pour les carreaux de Delft et les azulejos. J'aimerais beaucoup réaliser des ensembles de panneaux sur ce principe-ci:




(il s'agit d'une grande sérigraphie sur aluminium que j'ai intitulée "A Sentimental Journey", en hommage à Laurence Sterne et à son petit livre qui porte ce joli titre).

Avant de terminer, cette trouvaille:



joli cageot déniché au marché, et que je vais accrocher sur mon vélo, le slogan bien en vue, comme certaines camionnettes d'artisan arborent sur leurs flancs la promesse d'un travail rapide et soigné.

Le paragraphe qui suit, issu de ma méthode d'anglais préférée, n'a aucun rapport avec ce qui précède



mais me sert de transition avec ma conclusion, la construction du jour, cette élégante gare avec sa micheline vert amande:




A demain.


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